Quand la céramique devient sculpture – Collection Kikuchi au Musée Tomo, Tokyo

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Ryoji KOIE, Evidence, 1982, 37.4×41.0×36.0cm, Kikuchi Collection (Photographer: ABE Sayuri)

« Japanese ceramics Today – Masterworks from the Kikuchi Collection » – c’était le titre d’une présentation de créations contemporaines de céramistes japonais actifs dans les années 1970-1980 au public américain et anglais, qui témoignait de la créativité au présent du Japon dans un domaine trop souvent relégué au passé. Aujourd’hui, près de vingt ans après que la fondatrice du musée Kikuchi Kanjitsu Memorial Tomo Museum à Tokyo, Tomo Kikuchi (1923-2016), collectionneuse et galeriste ait organisé cette exposition itinérante en 1983, ce sont quelques uns de ces travaux et bien d’autres d’autres encore issus de la collection Kikuchi qui composent l’exposition actuelle 1.

Rien de daté pourtant dans ce panorama qui brasse une variété de pièces et de techniques et une vingtaine d’artistes – l’actualité de ces pièces est frappante, leur interrogation à repousser les frontières de la matière et de la technique de la céramique est intact. Au Japon, c’est dans le sillage de l’après-guerre que l’art de la céramique fut redécouvert, grâce notamment à l’action de groupes d’artistes comme Shikokai et Sodeisha nés à Kyoto en 1947 et 1948. Expressivité et fonctionnalité – expressivité ou fonctionnalité: les deux piliers du travail de la terre cuite peuvent se combiner ou s’exclure. L’émancipation de l’objet en céramique à exister pour lui-même au-delà d’une possible utilité – d’objet de la sphère quotidienne (yakimono – poterie utilitaire) à œuvre d’art (obuje-yaki – céramique-objet) – se lit notamment chez Seimei Tsuji (1927-2008) qui explora avec humour cette injonction implicite à la technique de la céramique d’ être un contenant – avec ses cannettes de porcelaine au couvercle amolli, véritables trompe l’œil.

Seimei TSUJI, Can, Shigaraki Ware (8.5 x 8.5 x 12.8 cm and 9.8 x 9.8 x 13.5 cm) & Can, Porcelain Ware, 1982, 13.5 x 13.5x 17 cm
Kazuo YAGI,Black Flower, 1964, 15.5×20.0×17.0 cm, Kikuchi Kanjitsu Memorial Tomo Museum
(Photographer: TANAKA Gakuji)

Devant la Black Flower de Kazuo Yagi (1918-1979), fondateur du mouvement Sodeisha, difficile de ne pas penser à la sculpture abstraite d’un Julio Gonzalez (comme cette Tête de Paysanne de 1934-36 conservée au Centre Pompidou, Paris): présentée sur un socle, montée sur un pied, la pièce de céramique noire kokuko, cuite à basse température, évoque un buste ou une tête sculptée en bronze. Même jeu de matière avec le travail de Tsuyoshi Kawasaki (1942-2023), passé maître dans la représentation d’architectures géométriques et dont la silhouette de village tel accroché à un piton rocheux, donne l’impression d’avoir été taillé dans un bloc de calcaire.

Tsuyoshi KAWASAKI, Townscape, (Date unknown), 30.2 x 20.2 x 20.8 cm, Kikuchi Collection

Un dernier mot sur Ryoji KOIE (1938-2020) un artiste né et formé à Tokoname (Préfecture d’Aichi), le plus ancien et le plus grand des six centres historiques de poterie du Japon qui développa une approche très personnelle et quasi-iconoclaste de la céramique. Œuvre intrigante que sa pièce Evidence présentée dans l’exposition: derrière une cage en fer blanc, on peut imaginer la présence d’un cœur saignant.

Un grand merci à Anna Iwasaki, curatrice au musée pour son aide précieuse.

Vues de l’exposition (photos IDL)

  1. Visitez l’exposition au Tomo Museum, Toranomon, Tokyo, jusqu’au 6 mai 2025 – https://www.musee-tomo.or.jp/ ↩︎


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